Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de mode responsable, d’armoire green comme j’aime souvent le dire. Mais pour tout vous dire, je me sens encore novice sur le sujet alors j’ai décidé de m’accompagner de l’experte en la matière, j’ai nommé Laurie du compte instagram @goodmorninglau et du blog goodgirls.be !
Dans cet article, on va donc parler mode éthique, greenwashing, et Laurie va vous donner ses outils pour décrypter et comprendre les marques. Prêt.e à devenir expert.e sur le sujet ?
Let’s go, la parole est à Laurie !
Pour décrypter une marque il faut la comprendre, comprendre les motivations du ou de la fondateur-ice. Gratter un peu la surface et découvrir ce qu’il se cache derrière, en gros, aller plus loin que le compte Instagram de la marque.
S’il y a bien un principe que j’ai compris depuis ma transition vers un mode de vie plus slow, c’est que si une marque est réellement éthique et éco-responsable, vous le saurez. Elle fera en sorte que vous le sachiez tout simplement car cela fait partie de son ADN. A l’inverse, quand il y a un doute, j’aime beaucoup dire, qu’il n’y a pas de doute !
Rentrons dans le vif du sujet, les 4 axes que je vérifie quand je décrypte une marque sont les suivants:
- A qui appartient la marque ?
- La communication et le marketing de la marque.
- Les matériaux qu’elle utilise.
- La fabrication et le respect des travailleurs.
1. À qui appartient la marque ?
S’agit-il d’une marque indépendante ou d’une marque appartenant à un gros groupe ? Par exemple les marques: Cos, And Other Stories, Weekday, Monki et Arket appartiennent au groupe H&M. La marque pourrait donc individuellement valider les points 2, 3 et 4 (c’est rarement le cas si elle fait partie d’un groupe de fast-fashion) mais la consommer revient tout de même à enrichir et valider le modèle du groupe entier.
Le groupe Inditex détient également plusieurs marques de fast-fashion connues telles que Zara, Pull and Bear, Massimo Dutti, Bershka, Stradivarius, Oysho. A priori, on ne confondra pas ces marques avec des marques de mode éthiques évidemment mais ça facilite la mise en lumière de leurs tentatives de greenwashing.
2. La communication et le marketing
Par essence, la mode éthique se veut lente. D’une part pour respecter les travailleurs, il faut en effet réduire la cadence. D’autre part, un acte de consommation doit répondre à un besoin et non à une pulsion engendrée par un neuro-marketing optimisé.
Le neuro-marketing, en bref, c’est un marketing basé sur les sciences neuro-cognitives. C’est donc un moyen de stimuler les neurotransmetteurs des consommateurs afin… qu’ils consomment toujours plus. Les techniques les plus utilisées sont notamment les suivantes:
- mise en place d’un compte à rebours (qui n’est jamais réel et se reset une fois à zéro) pour générer l’urgence et le besoin d’achat.
- réductions et soldes pro-imminentes dès l’arrivée sur le site (et qu’on se le dise même avec ces réductions, ils se font toujours une marge démesurée) ; vente flash et nombre limité d’articles (jamais justifiés car il y a toujours un réassort).
L’utilisation de ces techniques de marketing n’est évidemment pas éthique puisqu’elles visent à pousser à la surconsommation et à l’achat compulsif. Or, un achat éthique est un achat raisonné et utile.
Je vous joins quelques exemples de ces pratiques problématiques et je n’ai pas dû chercher longtemps pour en trouver.
A noter également, que de manière générale une communication commerciale intense doit vous mettre sur la piste du manque d’éthique d’une marque. On peut déjà le voir sur le compte instagram de la marque, et ça nous évite de perdre notre temps.
3. Les matériaux que la marque utilise
Si une marque de mode est engagée pour le respect et la préservation des écosystèmes, il va de soi qu’elle utilise des matériaux durables, ou du moins en grande partie.
Il existe 3 types de fibres textiles :
- les fibres naturelles: les fibres végétales telles que le coton, le lin, le chanvre,…
- les fibres artificielles: transformation chimique de fibres naturelles d’origine animale ou végétale, notamment le lyocell tencel, l’écovero, la viscose, la viscose de bambou,…
- les fibres synthétiques: fibres obtenues par synthèse de composés chimiques d’hydrocarbures (pétrole) telles que le polyester, le polyamide, l’élasthanne,…
Les marques font souvent l’amalgame entre les fibres naturelles et fibres durables mais il n’en est rien. Le coton conventionnel, bien qu’il s’agisse d’une fibre naturelle, est très polluant à produire. Sa production nécessite énormément d’eau et de substances chimiques telles que des pesticides et des OGM.
Les fibres artificielles peuvent également être polluantes à produire, notamment la viscose qui est produite à partir de pulpe de bois via un processus très énergivore qui nécessite beaucoup de solvants polluants et néfastes pour la santé des travailleur-euses. Le lyocell / tencel est cependant produit en boucle fermée (les solvants et l’eau nécessaires sont réutilisés quasi infiniment), le rendant beaucoup plus durable.
De manière générale, les fibres synthétiques sont à proscrire puisque la plupart proviennent de la pétrochimie.
Les fibres à privilégier sont donc (liste non-exhaustive):
- le coton, le lin et le chanvre biologiques
- le lyocell tencel, l’écovero (fibre artificielles produits en boucle fermée donc limitant l’utilisation d’eau et de solvants)
- le polyester recyclé ou l’éconyl (produit à partir de déchets plastiques)
Les labels à retenir et à proscrire pour les fibres textiles
Pour s’assurer qu’il s’agisse de fibres biologiques, produites donc sans pesticides et OGM et avec une utilisation minimale de l’eau, il y a des labels.
Commençons par le plus connu et qualitatif selon moi, le label « Global Organic Textile Standard GOTS » est un label allemand qui certifie que la fibre est biologique et qu’il y a une traçabilité depuis le champ jusqu’au produit fini. GOTS a également un volet social et vérifie notamment qu’il n’y a pas de travail d’enfants, pas de travail forcé, qu’il y a un contrat de travail, ceci rejoint l’axe 4 que je détaille plus bas.
Pour être certifié GOTS, il faut que chaque étape de transformation depuis le champ jusqu’au produit fini soit labellisée GOTS. Chaque maillon de la chaîne doit être certifié pour permettre au suivant de l’être, ce qui permet une totale traçabilité et transparence.
GOTS a également un volet « chimie » qui réglemente les produits qui peuvent être utilisés pour laver, teindre, imprimer le textile. Ces produits doivent faire partie de la « positive list » de GOTS et doivent être inoffensifs pour les travailleur-euses et utilisateur-ices du textile. Ce volet est beaucoup plus stricte que Oeko-Tex ou que la norme Européenne REACH (qui a valeur de loi et ne peut donc être brandie comme outil marketing de la marque, ce serait comme se présenter comme “non voleur” ou “non fraudeur”, ça n’a pas de sens, c’est le strict minimum).
Toujours dans le domaine de la fibre biologique, le label OCS est très similaire au label GOTS mais uniquement pour la partie biologique, il ne comporte pas de volet social ou chimique. Il serait donc possible, mais peu probable, de trouver un t-shirt labellisé OCS fabriqué par un enfant ou teint avec des solvants dangereux.
Pour le coton biologique également, il existe le label « Better Cotton Initiative BCI » qui est issu d’une initiative londonienne qui réfléchissait à la problématique du coton bio. Ce sont des ingénieurs agricoles qui sont partis du constat qu’il est impossible que 100% du coton cultivé sur la Terre soit biologique. Dans environ 80% des cas, le coton est cultivé dans des zones trop arides avec trop d’insectes ce qui rend impossible la culture sans OGM et pesticides. Ces ingénieurs ont donc développé l’idée de cultiver du coton conventionnel, puisque inévitable dans certains cas, mais de façon contrôlée. Ce label vise donc à former les agriculteurs à utiliser les bons produits chimiques, dans les bonnes quantités, avec les bonnes protections et à irriguer correctement.
Cependant, lorsque c’est devenu un vrai label, les géants du textile se sont rués dessus et ont tourné la démarche en greenwashing, ils ont donc labellisé les agriculteurs qui utilisaient déjà les produits correctement pour éviter de devoir en former davantage. Ils se sont donc retrouvés avec une quantité de coton BCI en un rien de temps mais sans avoir amélioré le système. Certains agriculteurs qui produisaient du coton bio sont d’ailleurs revenus en arrière pour passer au « coton BCI » car c’est moins contraignant et que les géants du textile leur promettent un revenu, et là c’est le drame.
Concernant la toxicité des fibres textiles, il y a le label Oeko-tex qui certifie que le textile est exempt de produits chimiques dangereux pour la santé. Les marques communiquent cependant très mal à ce sujet car elles associent ce label à du coton bio, ce qui est totalement faux.
Pour les fibres recyclées, il est impératif de trouver le label « Global Recycled Standard » qui certifie que le produit fini est bien composé de minimum 50% de fibres recyclées (voilà donc pourquoi H&M et ses 2% de polyester recyclé ne peut pas y prétendre). Ce label vérifie également le respect des conditions de travail définies par les conventions de l’Organisation Internationale du Travail et suit la liste REACH des composés chimiques interdits.
Sans label, il n’y a aucune certitude. La transparence passe également par les labels et certifications. Une marque éthique développée et financièrement stable sans certification n’est donc pas une marque transparente.
Je vous invite évidemment à toujours garder votre esprit critique car malheureusement les marques sont très vicieuses dans leur marketing, à savoir qu’environ 2.5 fois le volume réel de coton bio est vendu sur le marché textile (il y a donc 1.5 le volume qui est du faux coton bio), bref, les calculs ne sont pas bons.
J’espère que ça vous aidera néanmoins à y voir plus clair ! De plus, l’appellation “bio” est non-protégée, ce qui veut dire que n’importe quelle marque peut l’utiliser sans être réprimandée, voilà pourquoi il est important de s’intéresser aux labels.
4. La fabrication et le respect des travailleurs
Un des aspects qui devrait être mis en avant de manière transparente sur le site des marques, c’est la production et par-là j’entends: le lieu, la façon et la fréquence. Ces 3 caractéristiques donnent en effet une indication sur le respect des travailleur-euses, et surtout des travailleuses car elles sont 85% de femmes dans le domaine du textile.
Le lieu donne une première indication sur les conditions des travailleuses. En effet, au sein de l’Union Européenne, la législation les protège et assure des conditions de travail décentes ainsi qu’un salaire minimum. Évidemment (et malheureusement) bien des exceptions existent comme le scandale qui a éclaté en 2020 à Leicester au UK où le groupe Boohoo sous-traite une confection payée à 3.5€/h, alors que le salaire minimum est de quasi 10€/h, dans des conditions… plus qu’indécentes. Même si l’UE offre un cadre légal solide, il est donc toujours impératif de questionner les marques et de leur demander de dévoiler tout ce qu’elles peuvent au sujet de leurs usines et des conditions de travail, sous forme de vidéos, d’articles, de stories Instagram.
Les labels à retenir pour le respect des travailleur-euses textiles
Pour la production hors UE (et hors pays qui disposent d’un cadre légal soutenant les travailleur-euses), le respect des travailleur-euses repose sur des labels et des mentions, des organismes indépendants qui vérifient les dires des entreprises.
La mention « Fair Wear Foundation » certifie que l’entreprise travaille à garantir le respect des conditions de travail définies par les conventions de l’Organisation Internationale du Travail notamment le respect des droits des salariés, des salaires justes, une sécurité sanitaire (comme quoi ils sont visionnaires), pas de travail des enfants, pas de travail forcé.
Et comme je disais au point 3, pas de label, pas de certitude, il est donc super important d’interpeller les marques à ce sujet et de réclamer ce type de label/mention.
Et avant l’étape de la confection, il ne faut évidemment pas oublier la production de la matière, le label Fairtrade certifie que la matière première est cultivée par des agriculteur-ices qui, pour la matière première vendue « Fairtrade », reçoivent une prime calculée par Fairtrade International. Et donc s’ils cultivaient uniquement des matières premières « Fairtrade » ils auraient un living wage.
Attention, je n’ai pas dit qu’une confection en Asie ou en Afrique était synonyme direct de non respect des travailleur-euses. Il y existe pléthore d’usines éthiques et il est contre-productif de boycotter une production sur ces continents puisqu’ils détiennent un savoir-faire textile incroyable sur lequel leur économie repose en partie. Il est donc urgent de switcher à un modèle plus durable en soutenant des usines et des marques qui valorisent ce savoir-faire et chérissent leurs travailleur-euses !
Le dernier aspect à vérifier c’est la fréquence de la production. Comme mentionné au point 2, la mode éthique se veut lente. Et puisque confectionner un vêtement de qualité prend du temps, une faible fréquence implique également des conditions de travail plus respectueuses (en théorie).
Pour comparer avec le diable Zara qui produit 25 collections par an, soit environ une toutes les deux semaines (yes, l’angoisse), la mode éthique respecte donc les saisons et on s’attend à environ 4 collections par an.
Voilà les grandes lignes pour vous aider à décrypter une marque, comprendre ses intentions et vérifier son éthique (ou non). Il est évident que le consommateur a un rôle à jouer dans une transition vers une mode plus responsable mais surtout, il est urgent de remettre du sens dans nos dressings. Avoir des vêtements qui nous ressemblent, qui nous vont et que l’on porte (genre plus que 2 fois par an).
Pour terminer, j’insisterai sur le fait d’interpeller les marques: posez-leur vos questions, exigez une mode plus transparente, des labels qui assurent le respect des travailleur-euses, soyez acteur-ice du changement parce que c’est ainsi qu’on avance.
Pour aller plus loin, je vous conseille chaudement :
- Le livre “Mon dressing heureux” de Céline du blog Iznowgood, c’est une mine d’informations;
- Le podcast “Nouveau Modèle”, qui parle de mode éthique et de son importance;
- Mon blog qui regorge d’articles sur la mode éthique.
BONUS : les marques coups de coeur de Laurie et Margaux
Margaux : Réuni, Orta Store, Balzac Paris , Patine Paris, Mina Storm, We Are Jolies, Cametline, Kuyich, Sessile et Zéta.
Laurie : Rézine, Patine, Balzac, Twothirds, Lucid, Armed Angels, Mudjeans, Azaadi , Valalab (upcycling) et Thinking Mu.
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